Winshluss est un mec discret.
Le récent succès du film Persepolis a révélé à un large public les talents de narrateur de Vincent Paronnaud, nom qu’il arbore, sous anxiolytiques, à la remise du prix du Jury du festival de Canne en 2007.
Malgré la direction éditoriale du journal Ferraille illustré, la création Supermarché puis du Musée Ferraille (qu’il assume toutes trois avec ses vieux compères Cizo et Felder) et, malgré deux nominations au festival d’Angoulême en 2004 et 2007, Winshluss demeure dans l’ombre de l’underground. Un cercle grandissant de fans illuminés s’arrache ses publications mais que sait-on réellement de lui ?
Né à la Rochelle en 1970, il traîne ensuite ses guêtres à Pau (64) où la légende raconte que, pendant des années, il ne fout pas grand chose. Sans doute mûrit-il doucement quelque blague avec d’autres compagnons d’errance. Sa ville d’adoption, récompensée de 4 fleurs au Concours des villes et villages fleuris, offre probablement un terrain propice à son éducation artistique. “Urbis palladium et gentis” – “Sauvegarde de la Ville et de la Nation” – n’est-elle pas la devise prometteuse des lieux ?
Comment expliquer, autrement que par cette maturation silencieuse, l’apparition d’un univers aiguisé dont tous les éléments – satire sociale, goût de l’ellipse, dessin débridé, références graphiques et musicales récurrentes. – sont en place dès le milieu des années 90 ? Winshluss publie ses premières histoires dans différents fanzines et revues alternatives : noire dans Jade, grinçante dans Ferraille, sauvage dans Hôpital Brut. Peu de temps auparavant, il co-fonde le groupe Shunatao qui, là encore, recrache des musiques blues, punk, rock qu’on devine digérées de longue date.
On pourrait croire Winshluss fruit d’une partouze entre Crumb, Mattioli et Vuillemin. Ce ne sont pourtant que ses tontons. Il connaît leur manières graphiques, leur goût cartoonesque et leur humour à la scie mais n’habite pas sous leur toit. Quel grand reporter pourrait d’ailleurs, par simple soucis bien sûr d’une vérité dénuée de tout sensationnel, prouver que ces trois-là ont couché ensemble ?
N’ont-ils pas chacun leur propre maison ? Après la glande, Winshluss travaille beaucoup maintenant pour retaper la sienne. Cette baraque, pas vieille mais déjà patinée, exige plus que ses seules rigeurs et virtuosité de fin technicien. On frappe à la porte. C’est la mort avec sa faux, la voisine.
“Je suis bien au numéro 64 ?
-Ah, non vous faites erreur. Le 64, c’est la villa en face avec l’interphone et la porte blindée.”
Pour embellir la maison en riant de la voisine, tant qu’il est encore temps, Winshluss sait qu’il faut simplement inventer.
Inutile de trop la ramener. Je vous le disais :
Winshluss est un mec discret.
Morvandiau, avril 2008