Amandine Urruty

Comme un avertissement aux amateurs de gravures de mode, Amandine Urruty quitta son Gers natal soi-disant pour faire un tour.
En vérité je vous le dis, elle avait comme ambition cachée de conquérir le monde à dos de poney.

Empruntant les sentiers balisés qui mènent toujours aux bancs des facultés, elle étudia à l’ombre  des forêts de bouleaux en prenant soin d’éviter les taches et autres rejetons des huiles locales aux cravates défraîchies. Elle en repartit finalement avec une boîte en carton recyclé remplie de bons points, un merveilleux coup de crayon et un sacré mal de crâne.

Puis elle erra de nouveau comme on erre dans la chanson française underground, par distraction, talquant à l’occasion les fesses d’une star de la variété nationale avec de la gouache.

Après avoir marché pendant au moins six mois à la recherche de l’autoroute qui mène par hasard au succès, elle se prit les pieds dans sa frange, tomba face contre terre et se mit à pleurer.
Un chauffeur de camion passant par là, se pencha vers elle en frétillant et lui dit :
« Si tu as de la peine un chiot trop bien élevé te tiendra compagnie,
Un joli bébé chien de plastique et de verre blanc.
Même s’il y a des chances pour que son cœur en toc chancelle,
Il protégera ton bonheur à lui tout seul. »
Une bonne affaire …
« Eh bien c’est d’accord, je le prends, je suis prête maintenant ! Donne-le moi, je l’appellerai Bonjour Misère », s’exclama-t-elle.

Et le routier disparut dans une flaque de diesel.

En route, perdant la tête, elle s’arrêta plusieurs fois pour boire lentement aux doudounes du quadrupède.
Il se mit alors à tourbillonner tout autour de ses lèvres des lumières qui brillent dans l’air sans jamais redescendre.
Il faut dire qu’une sorcière avait doté l’animal de tétons enchantés et que de ceux-ci s’écoulait un nectar onctueux aux vertus aussi nourrissantes que magiques.
Les seins du corniaud répondaient aux noms de Mrzyk, Moriceau, Bosch, Aldrovandi et Mizuki, les autres semblaient évoquer quelques stars du graffiti contemporain.

Une fois sevrée elle devint une prophète en jupon du dessin illuminé, puis reprit sa quête armée d’un serre-tête et d’un poing américain à mine colorée.
Des murs des galeries à ceux de la cité, en passant par les pages de magazines alternatifs et branchés, elle délecta ses nouveaux adeptes de visions bariolées issues d’un enfer qu’un Dante fumeur de bang n’aurait jamais renié.
Enfer où les damnés tiennent autant du fan de Cosplay que de ces miss girondes des défilés de salons agricoles, une population maléfique et improbable qui tend à proliférer sur papier en métastases fluorescentes.

Maintenant, lorsque des perroquets savants foncent droit, tout droit sur son barda de crayons de couleurs pour l’intimider, elle se glisse sous le gosier de son fidèle compagnon pour se cacher. Le canidé alors en transe remue la queue et se met à chantonner:
« Maintenant il y a comme un arrière-goût de poison au Paradis, ne sais-tu pas que tu es toxique? »

Depuis, Amandine Urruty trotte vers ses 27 ans. Elle vit et dessine sur son lit.

Thomas Bernard